Repenser l’aménagement du territoire est un ouvrage issu du colloque du même nom qui s’est tenu du 9 au 13 septembre 2019 au Centre culturel inter-national de Cerisy-le-Salle à partir du constat très simple que l’aménagement du territoire français, en tout cas l’idée que s’en font ses principaux acteurs, État en tête, n’est plus en adéquation avec les évolutions institutionnelles, sociétales, écologiques que la France, et même plus globalement le monde, traverse.

Il est ainsi temps que les politiques aménagistes soient en phase, voire même précèdent, avec son époque et les domaines qu’elles sont censées régir. Mais est-ce possible ? Ne faudrait-il pas plutôt tout déconstruire pour tout reconstruire dans cette période de crises (politique, sanitaire, etc.) ?

L’originalité de cet ouvrage est de proposer non pas un simple verbatim des échanges qui se sont tenus pendant le colloque, mais une réflexion plus aboutie, qui a continué à s’élaborer après cet événement. Ce qui était obligatoire puisque les sujets traités sont en perpétuelle évolution.

En effet, l’apport de cet opus n’est pas de s’intéresser seulement à l’aménage-ment du territoire, mais peut-être en premier lieu d’interroger ce qui motive l’évolution des politiques structurelles d’un pays : Comment la révolution d’un ordre établi, ici la manière d’élaborer une politique d’aménagement d’un territoire, peut-elle s’opérer ? En posant quelles questions ? En venant « dynamiter » quels piliers sociaux, économiques, politiques, culturels ? Avec quels acteurs ? Et donc, comment faire entrer le pays dans la transition que l’entrée du monde dans l’ère anthropocène exige, pour qu’un « après », où l’Homme aurait une place, existe bien ?

L’ouvrage vient ainsi s’inscrire dans une actualité qu’il n’avait pas forcément anticipée, celle du questionnement sur le monde de l’après-covid, mais à la-quelle il peut apporter quelques réponses déjà puisqu’il prend en compte les questions qui se posaient alors et dont la pandémie n’est qu’une nouvelle strate : celles de la transition politique et écologique du pays.

Sous la direction de

Stéphane Cordobes est philosophe et géographe. Il exerce les fonctions de conseiller-expert à l’Agence nationale de la cohésion des territoires et de chercheur associé à l’École urbaine de Lyon, responsable du studio Prospective des territoires du monde anthropocène. Ses travaux portent sur la prospective territoriale et l’adaptation des politiques d’aménagement au changement global.

Xavier Desjardins est professeur en aménagement de l’espace et urbanisme à Sorbonne Université, membre du laboratoire Médiations, sciences des lieux, sciences des liens. Il travaille sur le gouvernement local, les mobilités ainsi que les notions et méthodes de l’urbanisme. Il enseigne à Paris et dirige également le master Urban Planning and Development à Sorbonne Université Abu Dhabi. Il a notamment publié Urbanisme et mobilités aux Éditions de la Sorbonne en 2017 et Planification urbaine en 2020 chez Armand Colin. Il intervient en tant que consul-tant au sein de la coopération Acadie. Il est membre des comités de rédaction de Transports urbains et de la Revue internationale d’urbanisme et participe aux comités éditoriaux d’Urbanisme et de la Town Planning Review.

Martin Vanier est géographe, professeur à l’École d’urbanisme de Paris (Paris Est Créteil), membre du laboratoire Lab’urba et consultant au sein de la coopérative conseils Acadie. Ses travaux portent sur les mutations spatiales de la France et sur les politiques qui les accompagnent.
Contributeurs : Philippe Aubert, Jérôme Baratier, Raphaële Bertho, Giuseppe Bettoni, Hugo Bevort, Arnaud Bren-netot, Jean Debrie, Marie Dégremont, Nicolas Douay, Antoine Frémont, Céline Gombert, Adrián P. Gómez Mañas, Benjamin Grebot, Henri de Grossouve, Karine Hurel, Solène Le Borgne, Gaële Lesteven, Mathilde Marchand, Pierre Messulam, Marie-Vic Ozouf-Marignier, Anne Pons, Dominique Potier, François-Mathieu Poupeau, Bruno Rebelle, Frédéric Santamaria, Livier Vennin et Achille Warnant.

Collection : Au fil du débat-Études
Parution : 27 août 2020
Broché : 320 pages
Format : 16 x 24 cm
ISBN : 978-2-7013-2071-7
Réf. 121773
Prix : 29 € TTC

Sommaire

Chapitre introductif – De l’épuisement à la réinvention Martin Vanier

Partie 1 – Permanences et obsolescences
Introduction Xavier Desjardins
Chapitre 1. Permanences, récurrences, apories Marie-Vic Ozouf-Marignier
• Blocages catégoriels et défi systémique Martin Vanier
Chapitre 2. Les apports de l’Union européenne à l’aménagement du territoire en France : vers une européanisation ? Frédéric Santamaria
Chapitre 3. Les déboires de la pensée aménagiste à l’heure de la décentralisation : des espoirs déçus aux nouveaux horizons Arnaud Brennetot
Chapitre 4. L’Italie : comment une décentralisation sans vision aménagiste est-elle possible, mais non souhaitable ? Giuseppe Bettoni
Chapitre 5. Justifier, restituer, débattre : la cartographie en quête d’un nouveau souffle ? Karine Hurel
Chapitre 6. Est-ce bien de nouveaux concepts dont l’État a besoin pour aménager le territoire ? Hugo Bevort

Partie 2 – Les réseaux changent-ils la donne ?
Introduction Martin Vanier
Propos inconséquents d’un pérégrin inattendu Philippe Aubert
Chapitre 1. Opérateurs de réseaux : peut-on encore penser l’aménagement en dehors du monopole d’État ? Pierre Messulam
• Mobilité : une injonction durable ? Adrián P. Gómez Mañas
Chapitre 2. Électricité et territoires : de l’effacement au métabolisme Livier Vennin
Le réseau de transport de l’électricité peut-il être vecteur d’un renouveau de la pensée aménagiste ? Céline Gombert
Chapitre 3. Les grands opérateurs de réseaux et l’aménagement Henri de Grossouvre
Chapitre 4. Opérateurs de réseaux : un rapport renouvelé aux territoires ? Jean Debrie et Gaële Lesteven
Chapitre 5. Les opérateurs de réseaux ont-ils une pensée aménagiste ? Marie Dégremont et François-Mathieu Poupeau
Chapitre 6. Quel rôle pour les entreprises de réseaux dans l’aménagement du territoire ? Antoine Frémont et Anne Pons
Chapitre 7. Aménagement et services numériques : enjeux et défis d’une disruption du couple réseaux/territoires Nicolas Douay
Chapitre 8. À ce stade de la nuit aménagiste : chronique des chemins ceriséens Jérôme Baratier

Partie 3 – Nouveaux horizons, nouveaux paradigmes
Introduction Stéphane Cordobes
Chapitre 1. La pensée aménagiste à l’épreuve des faits : nécessité d’un nouveau référentiel culturel Benjamin Grebot
Chapitre 2. Changer de casting… et de mode d’écriture du scénario ! Xavier Desjardins
Chapitre 3. Un autre vocabulaire pour repenser l’aménagement du territoire Martin Vanier
• L’aménagement du territoire à l’épreuve de la décroissance Solène Le Borgne et Achille Warnant
Chapitre 4. Quand la photographie participe à la rénovation de la pensée aménagiste Raphaële Bertho
Chapitre 5. L’urgence écologique impose une refondation radicale de la pensée aménagiste Bruno Rebelle
• Terre ! Dominique Potier
Chapitre 6. Quel aménagement pour édifier les territoires du monde anthropocène ? Stéphane Cordobes
• Pour une posture d’humilité de l’aménagiste dans le monde anthropocène Mathilde Marchand

Conclusion – Repolitiser l’aménagement du territoire Xavier Desjardins

Enquête photographique « Repenser l’aménagement du territoire » Stéphane Cordobes

Index de quelques notions clés

Extraits choisis

p. 225 : sur la nécessité d’un autre casting d’acteurs pour repenser l’aménagement (X. Desjardins)
Renouveler l’aménagement ? Il faut repenser fondamentalement le casting, en ouvrant à d’autres acteurs qu’aux habituels convoqués. Cette ouverture n’est pas affaire d’organigramme : on devine intimement qu’il ne faut pas faire une liste limitative d’acteurs à convoquer, mais plutôt s’assurer d’une capacité d’une posture agrégative à la diversité des contributeurs possibles à cette politique.
Il nous semble donc que la pensée aménagiste ne pourra pas se ressourcer sans une réflexion renouvelée sur le capitalisme comme sur l’anthropocène. Bien sûr, on le pressent, il y a une part de provocation à appeler à penser ces deux dimensions simultanément, alors que l’on sait combien le développement actuel du capitalisme est responsable de la consommation effrénée de ressources finies. Cette limite à l’utilisation des ressources finies va-t-elle entraîner une nouvelle crise du capitalisme de laquelle celui-ci sortira par une transformation radicale des modalités de l’accumulation du capital, comme il a su répondre depuis deux siècles aux crises précédentes – mais plus contextualisées – d’accumulation qu’il a rencontrées ? Ou cette dimension nouvelle conduit-elle à sa fin, l’engagement politique et les mouvements sociaux ne pouvant servir qu’à hâter ce processus inéluctable et à préparer le monde d’après ? Ces questions sont immenses, politiques bien sûr, mais la pensée aménagiste peut-elle vraiment s’y dérober ? Affaire de problématique sans doute, mais aussi de casting et de scéna-rio…

p. 227 : sur la nécessité également d’un autre vocabulaire (M. Vanier)
Mises à jour, ou changement de dictionnaire ? Ce chapitre propose d’interpeller le chantier sémantique sans lequel il ne peut pas y avoir de renouveau de la pensée aménagiste. De quels mots majeurs est fait le discours de l’aménagement du territoire en France, quel est son vocabulaire élémentaire ? Quels termes clés fondent ses promesses ? Et parmi eux, quels mots d’ordre trop longtemps indiscutés ont fait leur temps ? Pourquoi ne rendent-ils plus les services que leur demande la société ? Par quels autres mots les remplacer, mieux en charge des enjeux contemporains et des problèmes à surmonter pour et par l’espace ? Telles sont les questions à résoudre dans ce chapitre qui propose un passage par les concepts de base de l’aménagement du territoire, non pas tant pour revenir encore sur leur dévoilement critique que pour proposer d’entre-prendre une sincère mise à jour, voire une oeuvre résolue de remplacement des principales figures de la pensée aménagiste.

p. 268 : sur la place pour les territoires dans la transition écologique (S. Cordobes)
Mais, sur d’autres scènes moins polémiques, les « territoires » apparaissent aussi comme la solution la plus immédiate pour s’adapter au changement global et engager la véritable transition écologique. Sans doute, cette croyance – ce sont aussi une attente et un espoir – est-elle directement liée à l’impuissance des États qui, d’un côté, ne parviennent pas à s’entendre sur un plan d’action concerté à la hauteur des enjeux du changement climatique et de l’extinction de la biodiversité – pas plus qu’avant ils ne sont parvenus à lutter contre les inégalités – et, de l’autre, des acteurs économiques qui peinent à amender leur conduite et à véritablement œuvrer au changement de modèle économique nécessaire. Ce rendez-vous avec le territoire est ainsi entendu, dans les champs scientifiques et politiques, du côté des géographes, des philosophes, des anthropologues, des écologues, des sociologues etc., et de celui des acteurs territoriaux, collectifs associatifs, élus et citoyens les plus sensibilisés et soucieux d’agir.

p. 277 : sur une nécessaire posture d’humilité à adopter pour l’Homme dans le monde anthropocène (M. Marchand)
Face à cette question essentielle, à l’incertitude anxiogène et potentiellement paralysante qui régit l’ordre anthropocène, se profile un horizon envisageable, une posture qui pourrait guider les modalités d’actions des aménagistes (et pas que !) : celle de l’humilité. L’humilité garantit de pouvoir réagir au mieux face aux futurs enjeux écologiques ou, a minima, de ne pas ag-graver la situation, voire parfois d’admettre son impuissance. D’opposer, en somme, un réalisme humble à la posture prométhéenne qui a guidé l’aménagement jusqu’à ce jour. En cela, elle est particulièrement adaptée à la période dans laquelle nous entrons. L’ère de l’anthropocène est celle de l’incertitude, et l’humilité est son pendant nécessaire. Elle pourrait ainsi être gage d’un aménagement restauratif et régénératif, s’engageant sur la voie d’une résilience réelle qui ne soit « pas un airbag qui protège » mais bien « un muscle qui dynamise »3. Cette conduite encourage à de nouveaux modes de gouvernance, qui ménagent la terre plutôt qu’ils ne managent le territoire. Nous donnons ici brièvement quelques traductions de ce qui pourrait incarner une posture d’humilité de l’aménagiste face au monde sensible et à la nature, tant dans la pensée que les pratiques.

Boutique Berger-Levrault

Consultez la fiche détaillée du livre « Repenser l’aménagement du territoire ? Colloque de Cerisy » sous la direction de Stéphane Cordobes, Xavier Desjardins et Martin Vanier.

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